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Jérusalem: «l’absence de garantie internationale a mené à la victoire des colons»

10 Juin 2022

 Après deux décennies de bataille juridique, le patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, situé en vieille ville, vient de perdre deux biens fonciers, au profit de l'organisation juive ultra-nationaliste Ateret Cohanim. Entretien avec Mgr Shomali, vicaire du Patriarcat latin de Jérusalem.

C'était une «bataille perdue d'avance». La Cour suprême israélienne a validé, le 8 juin au soir, l'acquisition de biens fonciers de l'Église grecque-orthodoxe dans la vieille ville de Jérusalem par une association de colons israéliens. Après près de vingt ans de procédures juridiques, l'organisation ultra-nationaliste juive Ateret Cohanin est désormais autorisée à occuper trois hôtels localisés dans les quartiers chrétiens et musulmans de la vieille ville.

Une menace physique, religieuse et culturelle

Pour Mgr William Shomali, vicaire du Patriarcat latin de Jérusalem, la perte de ces propriétés va modifier l’aspect du quartier chrétien de Jérusalem-Est. «Les deux hôtels situés dans notre quartier peuvent accueillir des centaines de colons, qui sont armés et violents. Pour nous, cela signifie qu'ils peuvent, à n’importe quel moment, arrêter la circulation du quartier chrétien, arrêter les processions du Patriarcat latin, ou encore nous faire subir des vexations en toute impunité», avertit-il.

Une menace physique, religieuse et culturelle à venir, estime-t-il, dont les Palestiniens chrétiens seront les premières victimes. «Nous ne voulons pas que notre quartier devienne un quartier de colons. Pour nous, c'est comme si nous achetions deux grands hôtels à Mea Shearim [quartier juif ultra-orthodoxe de Jérusalem-Ouest, ndltr]. Chacun doit avoir son espace pour respirer», insiste-t-il.

Mgr Shomali reconnait «une faiblesse de la part du patriarcat orthodoxe», dont les employés ont reçu des «pots de vins» en 2004, les poussant à signer avec Ateret Cohanin la vente des deux hôtels. Le vicaire patriarcal de Jérusalem signale cependant une «sympathie de la Cour israélienne envers les colons», qui a fait de cette question juridique une bataille perdue d'avance pour les chrétiens de la vieille ville.

Judaïsation de la vieille ville

Des colons d'Ateret Cohanin avaient déjà pris possession, le 26 mars 2022, d'une partie de l'hôtel Petra, sans qu'un ordre d'éviction n'ait été émis, et alors que l'affaire n'était pas encore tranchée par la Cour israélienne. Pour le Patriarcat grec-orthodoxe, la décision du 8 juin dernier est «injuste» ; elle enterine des méthodes «malhonnêtes et illégales» de la part des colons, dans l'un des endroits les plus symboliques de la présence arabe musulmane et chrétienne de Jérusalem.

Mgr Shomali dénonce de son côté un mouvement de judaïsation de la vieille ville, déjà entamé ces dernières années. L'entrée du quartier chrétien, où passe la route de la Porte Neuve, serait à titre d'exemple devenu «un bar à ciel ouvert». Les Israéliens y vont et viennent «pour boire une bière ou un café», souligne-t-il, participant à transformer d’un des rares espaces toujours réservés aux chrétiens palestiniens.

Absence de garantie internationale

Mgr Shomali demande aujourd'hui à ce que le statut de Jérusalem soit protégé, de sorte que toutes les communautés et tous les pèlerins puissent y circuler sans menace. «Jérusalem doit être une ville ouverte à tous, avec des droits égaux pour tous, où chacun respecte l’autre», exige-t-il.

Reste aux communautés chrétiennes à demander des garanties à la communauté internationale, pour protéger le statut particulier de Jérusalem. «Nous n’utilisons jamais la violence (...). La seule chose que nous pouvons faire, c'est de parler et mettre la pression. Des promesses orales ne suffisent pas, nous le voyons très clairement ici: l’absence de garantie internationale a mené à la victoire des colons», affirme Mgr Shomali.

La justice israélienne doit encore trancher sur un autre volet de cette bataille juridique, concernant le sort des résidents palestiniens qui ont le statut de «locataires protégés», selon Assaad Mazzawi, avocat du patriarcat grec-orthodoxe.

Entretien réalisé par Claire RiobéCité du Vatican

www.vaticannews.va

Photo : ©  Patriarcat Latin de Jérusalem

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